L’année 1905 marque un tournant dans l’histoire de la science. En effet, à quelques mois d’intervalle, trois résultats majeurs viennent bouleverser la vision du monde qui était celle des savants d’alors et c’est une seule et même personne qui est à l’origine de ces trois découvertes : Albert Einstein. La première d’entre elles est celle de l’effet photo-électrique, un phénomène physique qui met en évidence l’existence de ces fameux « grains de lumière » appelés photons : les photons qui bombardent une surface métallique sont capables d’en arracher des électrons. Cette découverte fondamentale lui vaudra le prix Nobel de physique. Néanmoins, c’est la deuxième de ces découvertes qui a donné à Einstein sa renommée universelle, il s’agit de la très célèbre théorie de la relativité et de la non moins célèbre formule E = mc2. Désormais le temps n’est plus absolu. Matière et énergie se confondent. Quant à la troisième découverte, ce n’est ni plus ni moins que celle de l’existence des atomes. Ceux-ci, totalement invisibles sous la lentille des microscopes de l’époque, ne pouvaient être observés et Einstein n’a pu déduire leur existence qu’à partir de l’interprétation d’un phénomène inexplicable jusqu’alors : le mouvement brownien.
La découverte de ce mouvement, comme celle de la pénicilline ou de la radioactivité, fait partie de ces découvertes fortuites qui ont jalonné l’histoire de la science. En 1827, le botaniste Robert Brown observe au microscope des poussières organiques en suspension dans le fluide contenu dans un grain de pollen. Il est immédiatement intrigué par l’étrangeté de leur mouvement : les particules se meuvent de façon chaotique et imprédictible à l’intérieur du liquide en des trajectoires irrégulières et incessantes. Brown pensa tout d’abord à un phénomène biologique, mais l’observation de ces mêmes trajectoires pour des par- ticules minérales dans une eau parfaitement vierge le dissuada de cette première explication.
En fait, la raison de ce phénomène a tenu en haleine les savants jusqu’au début du XXe siècle. En réalité, ce mouvement résulte de l’agitation permanente des molécules d’eau qui, en bombardant les particules, leur impriment ces trajectoires désordonnées. Ces molécules d’eau ont une taille bien plus petite que celle des poussières organiques et étaient donc hors de portée des moyens optiques de l’époque. En revanche, les poussières sont, elles, observables au microscope et leur mouvement perpétuel trahit la présence de ces invisibles molécules d’eau en constante agitation. C’est en comprenant que le mouvement des poussières était dû à l’action de particules bien plus petites qu’Einstein put en déduire l’existence des atomes. En 1906, il fera complètement le lien avec la notion déjà connue de mouvement brownien et il théorisa cette dernière. Le physicien Jean Perrin se livrera jusqu’en 1909 à tout un programme d’expériences qui confirmera ces théories.
L’étude mathématique du mouvement brownien a révélé un phénomène déroutant : dans un plan, une trajectoire brownienne forme une surface sans aire. Un tel objet est un être mathématique paradoxal qui a tout d’une surface mais dont l’aire est pourtant égale à zéro.